Métamorphose
Trois petites filles jouent dans la cour de la maison de vacances. Chaque été, elles viennent passer un mois de récréation chez Louise. Chaque jour, la question se pose, à quoi jouons-nous ?
Bien sûr, il y a les balades à vélo dans les chemins de champagne. Ensuite, la visite des vaches qui sont dans les champs. Puis, s’aventurer à la poursuite des papillons.
Ou bien, ramasser les œufs pondus par les jolies poules rousses, à qui nous faisons des câlins.
Pousser le palet à la marelle.
Ce jour et après concertations, elles décident de changer de passe-temps
Le choix s’énonce sur : « c’est toi le chat ! ». Aussitôt dit aussitôt fait. Pouf, pouf, c’est toi le chat !
Lyne et Lydie ferment les yeux en posant leurs mains sur le visage.
Hé, n’écarte pas les doigts ! À cette interpellation, le majeur et l’annulaire se referment.
Moi Alice le chat, je décide d’en revêtir le costume !
Devenir Ziane, une gracieuse chatte grise avec son plastron blanc, qui enfile deux gants et quatre chaussettes blanches. Bien que de taille réduite, elle part découvrir la campagne environnante.
Une idée folle m’envahit. Je lui propose de m’introduire dans son corps. En un mot : devenir elle !
Je m’incorpore dans sa forme à quatre pattes, aux oreilles fines avec son nez rose sur le museau cendré. Vivre la différence de structure m’étonne. Mon anatomie de fille se rapetisse au plus miniature pour s’uniformiser à sa constitution.
Deux yeux émeraude s’ouvrent sur une vision basse. Je n’ai plus la hauteur de vue d’avant. Je découvre le sol. Peu accoutumée à une perception au ras des pâquerettes, je m’aperçois que l’élévation offre une grandeur de perspective. Les dimensions élargies permettent un visuel d’ensemble.
Mon image étant différente, je m’interroge : vais-je pouvoir trouver un endroit pour me cacher ?
Durant ma réflexion, les voies de Lyne et Lydie décomptent les chiffres : 25, 24, 23…
J’ai encore un peu de temps pour m’habituer à cette nouvelle enveloppe de chat !
Hasardons une patte puis une autre. Ce déplacement entraîne sa correspondante de derrière. J’engage doucement l’avancée de patte à patte. Ne sachant comment positionner ma longue queue.
Dois-je l’élever ou bien la laisser basse ?
La recherche de stabilité !
À l’affût des moindres réactions corporelles qui s’ébranlent dans chaque mouvement, j’observe. Trouver l’équilibre qui me permet de cheminer prudemment vers le terrain moelleux. Je sais que le sol reste figé, c’est moi qui dois avancer mes pattes. Les coussins sont les chaussures qui amortissent le tâtonnement des petits cailloux.
Je continue de marcher sur le sentier qui mène au jardin. Là, il y a suffisamment de plantes qui m’offrent une cachette. La progression devient plus souple et fluide.
Les hirondelles volent bas aujourd’hui, le soleil luit haut dans le ciel. Je sais bien que si les messagères du printemps frôlent la verdure, c’est pour gober les moucherons.
Je ne suis pas habitué à deviner le déplacement d’air, qu’elles provoquent en planant en rase-mottes. De plus, je ne les avais pas vues. Juste les ressentir lorsqu’elles filent à grande vitesse au-dessus de moi. En tant que fille, je les entends et lève la tête pour admirer les loopings qu’elles engagent entre elles. J’assiste à la dextérité de leurs ailes. Leurs habilités en souplesse font d’elles des expertes.
Revenons à mon parcours. Pas de porte fermée pour parvenir aux allées du jardin. Voilà un obstacle en moins ! La voie libre…
Reste à choisir le sentier !
Mes pattes se dirigent vers le plus large, le principal. D’un accès facile !
C’est drôle d’opter pour ce qui peut se faire sans effort ! Une disposition naturelle chez l’individu, chez le chat aussi ?
De chaque côté du cheminement, il y a des transversales bordées de buis. Cet arbrisseau me rappelle la fête des rameaux.
Dans ces festivités
Louise offre, à son entourage, ce précieux porte-bonheur.
J’opte pour celle de droite qui mène dans les fleurs de toutes couleurs et senteurs.
Des lupins semblables à des lapins me regardent. Que vient faire ce chat dans notre voisinage ?
Tu n’y trouveras pas de souris ici, me disent-ils ?
Je ne suis pas un chat !
Les lupinus mauves éclatent de rire ! Nous ne sommes pas non plus ce qu’il paraît !
Ensemble, nous rigolons de nos apparences. Quelles sont-elles en réalité ?
Il est vrai que l’aspect immédiat de ce qui se présente à la vue n’est pas authenticité.
Je poursuis de quelques pattes supplémentaires et constate que c’est bien en marchant que l’on apprend à marcher !
Il en est de même, c’est bien en éprouvant les expériences que l’on connaît la Nature des choses.
Ces avancées m’emmènent à découvrir les rouges coquelicot mélangés aux salades.
Tiens, quand je suis grande, je les aperçois parmi les champs de blé.
Ce rouge vif colore mes joues lors de circonstances émotionnelles.
Il est vrai que ma teinte grise se définit comme valeur d’intensité lumineuse. Utilisé pour faire des ombres, un fondu de blanc et de noir.
Oh, il y a des limaces qui laissent une trace gluante sur les tiges. Ces loches n’ont pas de difficultés de trajectoire puisqu’il n’y a aucun virage. La continuité aisée triomphe d’elle-même.
En tournant la tête, j’aperçois un étroit passage qui se cache sous les grandes feuilles de rhubarbe.
Je m’y engage et suis frappée par une toile d’araignée qui vient se coller sur mes moustaches. Même pas peur ! Un coup de patte sur mon museau, et hop, je l’enlève.
Vais-je à nouveau être surpris par quelques inconnus rencontrés durant ce trajet ?
La Vie n’est que découvertes !
Le sol est dur, mes coussinets ont quitté le moelleux de l’herbe tendre. Va-t-il devenir escarpé ?
Soudain ! Je perçois des pas vifs se diriger vers le jardin. Une intrusion dans ce silence.
Serait-ce une des mignonnes ?
Toute à mon observation, je n’entends plus le décompte !
Lyne et Lydie courent à ma recherche. Elles poussent des cris : où es-tu ? On arrive !
Cependant, grande serait leur surprise de découvrir Ziane et non une fille. Chat argenté bien dissimulé sous la tente de rhubarbe qui me protège du soleil et me cache de leurs yeux.
Afin qu’elles ne puissent pas voir mes chaussettes, je les camoufle sous mon corps. Je ramasse ma queue pour ne devenir qu’une boule métallisée sous un étendard vert.
Le sol tremble, les souliers se rapprochent. Surtout ne pas bouger.
Je les entends : elle n’est pas là ?
Il est vrai que ma stature fille serait déjà visible. Eh non !
Je suis un chat !
Marie-Pierre AUBERT
Marie Pierre AUBERT Thérapeute Holistique Channel de l’Unité des Maitres Akashiques – Auteure –
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